Et si
C’était un samedi matin bien ordinaire, mis à part le fait que je devais me lever plus tôt qu’à l’habitude pour aller faire faire le changement de pneus sur la voiture de ma mère. J’étais étudiante à ce moment-là. On remonte à plus de 15 ans. J’avais prévu aller au café du coin pour écrire en attendant que la voiture soit prête. Jamais je n’aurais pu imaginer ce qui allait suivre.
Alors comme prévu, j’arrive au café et je m’installe. Je fais face à la fenêtre (regarder dehors m’inspire!) Alors que je soulève souvent la tête pour réfléchir, je vois le reflet d’un homme dans la fenêtre. L’homme est en fait assis en diagonal, derrière moi. Il attire mon attention alors je me retourne subtilement pour le regarder. Rien de particulier à signaler. L’homme d’une cinquantaine d’années boit son café assis seul à sa table, d’un air pensif.
Je poursuis ma lecture. Du moins, j’essaie. J’ai de la difficulté à me concentrer. Une petite voix en moi me dit d’aller voir l’homme en question pour discuter avec lui. Yeah, right! Voir que je vais m’approcher de cet homme que je ne connais pas et que je vais lui demander si je peux me joindre à lui! Qu’est-ce que les gens autour vont dire? Et lui, que va-t-il penser?
Je tente d’écrire, de faire ce pour quoi je suis venue au café. Rien à faire. Je ne fais que penser à cet homme. Je m’obstine avec cette petite voix, je m’obstine... avec Dieu! J’aperçois alors l’homme boire sa dernière gorgée de café, et à ce moment, je réfléchis au sentiment qui m’envahirait s’il partait sans que je lui aie parlé. L’idée de passer à côté de quelque chose commence à me déranger plus que l’idée même de lui parler. Sans hésiter un autre instant, je me lève et me dirige vers cet homme
Arrivée à ses côtés, je lui demande si je peux m’asseoir. Il va sans dire qu’il est surpris, mais il accepte. Je lui dis d’emblée que je ne sais pas encore pourquoi je dois lui parler, mais que j’ai voulu écouter cette petite voix qui m’a attirée à lui. Au risque d’avoir l’air très étrange, je lui dis que je crois que cette petite voix, c’est Dieu. En fait, vu l’absurdité de la situation, je trouve que ça passe même mieux que si je lui dis que ça vient de moi!
Je n’ai aucune idée de quoi parler, mais ça importe peu puisqu’il a plusieurs questions. Il veut que je lui parle de ce Dieu qui m’a conduite vers lui. Tout au long de la conversation, il est dans un état de choc continuel. Il n’en revient juste pas. Il a les larmes aux yeux. Ce n’est qu’après une demie-heure de conversation qu’il me dit quelque chose qui me bouleverse complètement : « J’étais sur le point de partir quand tu es venue t’asseoir. Je venais boire un dernier café avant d’aller chez moi. C’était la fin… je voulais mettre fin à ma vie. Mais tu viens de changer ça. Tu es un ange. » C’était à mon tour d’être sur le choc. J’éprouvais à la fois une profonde tristesse pour cet homme en détresse et l’euphorie d’avoir contribué à un nouveau départ pour lui.
Imaginez la suite des événements si j’avais décidé de rester assise dans mon confort. Si j’avais accordé plus d’importance à ce que les autres pensent plutôt qu’à ce que je ressentais si fortement dans mon coeur. J’aimerais vous dire que ce genre d’événement m’est arrivé plus d’une fois. Je ne pense pas avoir sauvé d’autres vies à proprement dit, mais je peux vous dire que je n’hésite plus autant lorsque « j’entends » cette petite voix qui me parle.
Quelques années plus tard, j’ai croisé cet homme dans un centre commercial. Il marchait avec un ami. En me voyant, il dit à son ami : « C’est elle l’ange dont je t’ai parlé. » J’étais sans mot.
Et si on écoutait davantage la petite voix.
Et si on osait davantage.
Et si on n’avait pas si peur de ce que les autres pensent.
Et si on prenait le temps.
Et si on arrêtait de se soucier du regard des autres.
Et si... on changerait sûrement plus de vies!